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A la découverte du pré-cinéma

Lanterne magique, zootrope, phénakistiscope, chronophotographe, kinetoscope : en 9 séances faisant la part belle à la pratique, apprenons de quoi le cinéma est fait : l'analyse et la restitution du mouvement, la photographie et la projection.


Expérimenter la représentation du mouvement, à l'aide de certains des jouets optiques inventés au XIXe siècle :


Le thaumatrope

Pour inventer le cinéma, il fallait être capable de créer des images en mouvement. Au cours du XIXe siècle, les recherches en optique vont peu à peu rendre cela possible, produisant au passage une multitude de jouets aux noms étranges. Le premier, qui ne crée pas encore de mouvement, est le thaumatrope.

Principe du thaumatrope

Inventé par l'astronome John Hershel, commercialisé par l'Anglais John Ayrton Paris en 1825, le thaumatrope est un jouet basé sur un principe visuel qui se nomme la « persistance rétinienne ». Notre œil « imprime » une image fixe déjà vue et la superpose avec une image fixe vue immédiatement après : notre esprit mélange les deux images, il n’en perçoit qu’une seule.

Le classique « oiseau dans sa cage » illustre ce phénomène :


Sur la face d’un disque, on dessine un oiseau, au dos, une cage.
Des ficelles sont accrochées aux extrémités et lorsqu'on fait tourner le disque rapidement par l'intermédiaire des ficelles, les deux images se superposent et n’en forme plus qu’une.
On a l'impression que l'oiseau se trouve dans la cage. Mais il suffit d’arrêter de tourner pour que l’oiseau soit libre.


Atelier : fabrication d’un thaumatrope

Matériel nécessaire :
- du papier cartonné
- un compas ou un objet circulaire
- une paire de ciseaux, de la colle
- des crayons de couleu, feutres
- une perforatrice
- de la ficelle ou des élastiques

Pour réaliser un thaumatrope, on commence par tracer et découper deux disques de même dimension (10 cm de diamètre environ) dans du papier cartonné, à l’aide d’un compas ou d’un objet circulaire dont on suit les contours.
On dessine une partie du dessin sur le premier disque et l’autre partie sur le second. Il s’agit ensuite de coller le premier dessin contre le second en recto-verso : l’un à l’endroit, l’autre à l’envers. Afin de fixer les morceaux de ficelle ou les élastiques, on perce ou perfore le disque cartonné à chaque extrémité. Il ne reste plus qu’à faire tourner le système entre ses doigts.

Plus rare mais possible, on peut choisir de faire un thaumatrope de forme carrée ou rectangulaire.
Astuce : on peut dessiner directement au recto et au verso d’un seul et même disque en utilisant la transparence du papier ou en s’aidant d’un calque.
Le thaumatrope c’est donc explorer tout ce que peut être une image en deux parties. On peut imaginer différentes activités autour de ce principe.

Activité 1 – l’image-complémentaire

Sur une face du disque on fait figurer la moitié d’un dessin, sur l’autre face l’autre moitié.
Il peut être facile de deviner ce qui complète le premier dessin, car chaque image en impose souvent une seconde : un corbeau qui tient un fromage dans son bec, un aquarium, une cage… Que peut-on bien trouver derrière ? Un renard, un poisson, un oiseau…
C’est en tournant que l’image devient complète.


Activité 2 – l’image-surprise

L’image peut aussi provoquer la surprise. On peut faire apparaître dans une cage un poisson, un renard dans un aquarium ou un oiseau devant le corbeau !
Demander aux participants de laisser libre court à leur imagination. Un thaumatrope peut associer deux images complètement décalées et créer quelque chose d’unique, d’irréel, de véritablement surréaliste.

On peut aussi associer deux personnages tout à fait opposés (Napoléon et Harry Potter). Proposer à un enfant de dessiner un personnage sur la droite d’un disque et à un autre enfant de dessiner sur la gauche d’un autre disque un personnage très différent. Assembler les deux disques pour créer un thaumatrope, faites-le tourner : la rotation fait se rencontrer les deux personnages.




Activité 3 – l’image-mystère
 
Sur la face d’un disque on fait figurer la moitié d’un mot (ou d’une phrase courte) ; sur l’autre face l’autre moitié. On peut demander aux participants d’écrire la moitié de leur prénom sur une face du disque et l’autre partie au dos. Comme les messages codés, le thaumatrope, une fois mis en rotation, peut relever un mot mystère, une phrase secrète…



 

Le phénakistiscope



Si le thaumatrope repose sur une illusion d’optique créant une image virtuelle à partir de deux images fixes, le phénakistiscope permet d’expérimenter véritablement l’animation des images. Il est davantage précurseur du cinéma car il permet, à partir d’une suite d’images fixes légèrement différentes les unes des autres, de mettre en mouvement une scène complète.

Principe du phénakistiscope

Le phénakistiscope est un jouet optique né d’expérimentations sur les propriétés de l’œil. C’est entre 1829 et 1833 que Joseph Plateau invente un jouet qu'il appelle « le phénakistiscope ».

Il s'agit de deux disques en cartons :
- sur l'un sont dessinées les différentes phases d'un même mouvement,
- sur l'autre des fentes sur fond noir sont réparties de façon aussi régulière que les images.
En tournant les deux disques placés sur un même axe et en regardant par les petites fenêtres, on a l'impression de voir le mouvement se faire et se répéter.


Il existe un second type de phénakistiscope, plus répandu. Il s’agit d’un seul disque sur lequel se trouve un mouvement décomposé en une série d’images fixes. La face arrière est peinte en noire. Le disque est pourvu d’une poignée en son centre et d’encoches sur son contour. C’est en le faisant tourner devant un miroir, face noire devant les yeux, et en regardant fixement à travers ses fentes, que les images s’animent.

Quand on fait tourner un disque, sans regarder directement par les fentes, on ne voit qu’une bouillie d’image. Si on demande aux participants de regarder ce même disque en clignant très vite des yeux, des images en mouvement commencent à apparaître.

Il faut en fait distinguer les images les unes des autres pour percevoir le mouvement. En créant du noir entre chaque image, on les sépare. L’interstice entre les fentes permet l’obturation et évite que les images ne se confondent dans le miroir. Le dos du disque où l’on regarde doit être peint en noir, de façon à ne regarder que le dessin à travers les fentes, et non le disque.

Notons que le principe est donc très différent du thaumatrope, qui joue au contraire sur le mélange des deux images qui s’opère dans notre cerveau, en l’absence d’obturation.


Atelier : fabrication d'un phénakistiscope

Matériel nécessaire :
- du papier cartonné blanc
- du papier cartonné noir
- un compas
- des crayons de couleur, feutres
- des ciseaux ou un cutter
- de la colle
- un pic à brochette en bois
- un bouchon de liège, coupé en deux

Pour réussir un phénakistiscope :
- chaque dessin doit changer petit à petit,
- chaque dessin doit être placé à égale distance des fentes percées,
- la dernière image dessinée doit s’enchaîner avec la première qui a été faite.


Étape 1
Tracez et découpez un cercle de 25 cm de diamètre dans du papier cartonné noir.
Délimitez 10 ou 12 repères pour les fentes tout autour du disque et les découper à l’aide d’une paire de ciseaux ou d’un cutter (0.8 mm de large sur 4 cm de haut). L’espacement entre chaque encoche doit être identique.
À partir du même modèle, répétez l’exercice sur le papier cartonné blanc.
Pour faciliter l’étape 2, on peut tracer une ligne au crayon noir qui fait le tour complet du disque.

Étape 2Il s’agit maintenant de dessiner chaque étape de l’animation imaginée (un ballon qui se gonfle, un personnage qui marche…) sur le disque de papier blanc, en tenant compte des repères délimités dans l’étape 1.
Enfin, assemblez les disques en les collant. Percez en leur centre.
Fixer le premier morceau de bouchon à 2 cm de l’extrémité du pic en bois. Faites passer le pic en bois en travers du disque et utilisez le second morceau de bouchon pour fermer le pic.
Veiller à ne pas trop enfoncer les deux morceaux de bouchon afin que le disque puisse tourner. Placez-vous devant un miroir, il ne vous reste plus qu’à observer l’animation.


Le zootrope

Le zootrope est le perfectionnement du phénakistiscope puisqu’il s’appuie sur le même principe visuel qui donne l’illusion du mouvement. L’amélioration apporté par le tambour du zootrope permet d’observer la scène animée à plusieurs, annonçant en modèle réduit l’expérience de la séance de cinéma. Il préfigure également la pellicule de cinéma.

Principe du zootrope

Invention attribuée à l’Anglais William George Horner (1833) à Londres et à l’Autrichien Stampfer à Vienne (1834).
Il s’agit un tambour rotatif dont les parois sont percées de fentes régulières. Tout autour des parois intérieures, sont disposées autant d’images qu’il y a de fentes.
Le zootrope fonctionne comme le phénakistiscope : on le fait tourner et c’est l’obturation régulière du défilement des images successives d’un mouvement qui permet de voir les images bouger.
Mais plutôt que d’utiliser un disque, on peut cette fois voir le défilement des images à partir d’une bande de papier qui ressemble à la pellicule cinématographique. L’image est carrée ou rectangulaire, comme celle que l’on a l’habitude de voir dans les livres.
L’alternance de noir puis d’étroites fentes, oblige à éclairer fortement l’intérieur du tambour. C’est pourquoi l’extérieur et l’intérieur du tambour sont peints en noir, afin que seules les images ressortent.


Le folioscope

Le folioscope (ou flip-book) est sans nul doute l’objet du précinéma le plus connu du grand public. Ce livre animé, qui décompose le mouvement, permet de comprendre simplement les principes de base du cinéma.

Principe du folioscope

En 1868, l'anglais John Barnes Linnett a déposé un brevet de cette invention sous le nom de kinéographe. En Allemagne il s’appelle daumenkino, aux États-Unis flip-book.
Le principe du folioscope repose sur celui d’un livre qu’on feuillette avec le pouce. À chaque page on trouve un dessin légèrement différent du précédent. Les images se succèdent au rythme du doigt sur le carnet et l’animation se créée petit à petit. À la fin du livre, le mouvement se termine.
Puisqu’il s’agit d’un seul mouvement, et non d’un mouvement cyclique (comme pour le zootrope ou le phénakistiscope), on peut improviser les dessins au fur et à mesure et on n’est limité que par le nombre de pages.



Le praxinoscope


Le praxinoscope est l’amélioration du zootrope et du phénakistiscope. L’utilisation de miroir à facettes permet de reproduire un mouvement plus fluide et sa forme de manège tournant facilite le visionnage simultané d’une scène d’images par plusieurs personnes. Combiné à une lanterne magique, il peut projeter l’animation sur un écran : c’est le « praxinoscope à projection » qui servit lors de séances publiques. Le dessin animé était né, avant le cinéma.

Principe du praxinoscope

C’est Émile Reynaud, un instituteur, qui invente le praxinoscope.
L’appareil est composé d’une bande interchangeable de douze dessins, décomposant un mouvement cyclique, disposée à l'intérieur d'un tambour qui tourne autour d'un axe servant accessoirement de pied. À l'intérieur du tambour se trouve un cylindre à facettes sur lequel sont disposés douze petits miroirs à 45°. 

Cette « cage de miroirs » ou « cage prismatique» tourne en même temps que le tambour et la bande à animer. Chacun des miroirs reflète l’un des douze dessins de la bande (celui qui lui fait face). On a l'impression de vraiment voir un dessin s’animer sans que l’on ait à regarder à travers d’étroites fentes qui obscurcissent la vision.
La luminosité qu’offre aux images le praxinoscope permet à Émile Reynaud, en 1888, de fabriquer son «  théâtre optique » : il peut projeter des dessins animés sur un écran, en utilisant le faisceau d’une lanterne magique.


Atelier : fabrication d’un praxinoscope miniature

Matériel nécessaire :
- un pot à confiture ou un verre (à facettes)
- des bandes de papier
- des crayons de couleur
- un plateau tournant

Il existe deux ateliers illustrés en ligne pour réaliser ce type de praxinoscope. Découvrez les dispositifs du ciné-confiture et du ciné-verre !





La chambre noire



Pour inventer le cinéma, il fallait reproduire une image fidèle de la réalité et être capable de projeter cette image. Ces deux conditions sont déjà réunies avec la chambre noire.

Principe de la chambre noire

La chambre noire ou camera obscura est un dispositif connu sans doute depuis l'Antiquité, mais étudié et répandu par Léonard de Vinci au XVIe siècle. Le procédé est très simple : une pièce est entièrement fermée à la lumière. Si l'on ménage un trou assez petit vers un décor fortement éclairé, les rayons lumineux de l'extérieur créent à l'intérieur de la chambre noire une image inversée du décor. La reproduction du réel sous forme d'image est si exacte que les peintres s'en servirent pour faire leurs toiles et découvrir la perspective.
La chambre noire est presque une salle de cinéma, puisqu'on y voit une image fidèle de la réalité. Mais sa limite est de ne pas permettre de projeter l'image qu'on veut, quand on veut. Pour cela, il faudra trouver le moyen d'enregistrer cette image de la réalité, c'est-à-dire inventer la photographie.

Première expérience : la loupe

On peut d'abord faire l'expérience de la chambre noire à l'aide d'une simple loupe. On approche la loupe d'un mur qui se trouve face à une surface éclairée. Une image inversée de la surface apparaît alors sur le mur. La lentille convergente de la loupe concentre en effet les rayons lumineux issus de la surface.

Atelier 1 : transformer une pièce en chambre noire



Choisir une pièce bien éclairée par la lumière naturelle des fenêtres.
Occulter parfaitement les fenêtres avec des sacs poubelles.
Faire un petit trou à travers un des sacs occultants.
Si le trou fait la bonne taille et que la lumière est suffisante à l'extérieur, on peut obtenir des résultats étonnants, comme ceux réalisés par les artistes Victoria Cooper et Doug Spowart.


 

Atelier 2 : fabrication d'une chambre noire miniature

Matériel nécessaire (pour une chambre noire – multiplier par le nombre de participants) :- une boîte à chaussures- une feuille de papier calque- une paire de ciseaux- un rouleau de scotch- une loupe (optionnel, pour plus de netteté)- un élastique
Mise en œuvre :
. Couper l'intérieur de la boîte à chaussures en deux parties inégales.
. Percer un tout petit trou sur la face de la grande partie de la boîte [en option : scotcher la loupe devant le trou].
. Découper une grande fenêtre dans la face de la petite partie de la boîte.
. Scotcher une feuille de papier calque devant la fenêtre.
. Emboîter la petite partie dans la grande partie de la boîte.
. Recouvrir les deux parties emboîtées avec le couvercle de la boîte à chaussures.
. Fixer l'ensemble avec un élastique
. Diriger l'ensemble vers un endroit lumineux et regarder dans la boîte : l'image inversée de la réalité apparaît sur le papier calque, qui sert d'écran.
NB : pour obtenir une image nette, jouer sur le degré d'emboîtement des deux parties de la boîte à chaussures.



La photographie

Au cours de cette séance, nous allons découvrir comment la photographie utilise le principe de la chambre noire et y associe la chimie pour réussir à enregistrer les images.

Découverte de la photographie à travers le sténopé

Le principe de la projection lumineuse dans un lieu obscur, qui est à la base de la chambre noire, rend possible aussi bien la lanterne magique et plus tard le projecteur de cinéma, que la photographie. L'appareil photo intègre en effet, en miniature, une salle de projection. Ce lien entre projection et photographie est évident avec le sténopé.

En grec sténopé désigne l'ouverture de très faible diamètre de la camera obscura (voir séance 6) et par extension, un type d'appareil de photographie dont il constitue l'objectif.

Comme pour la camera obscura, on perce un petit trou dans une boîte noire, qu'on dirige vers un objet bien éclairé. L'image inversée de cet objet apparaît à l'intérieur de la boîte. Pour enregistrer cette image projetée, il faut placer sur la paroi interne de la boîte un papier photosensible, c'est-à-dire qui se modifie au contact de la lumière. Le chlorure d'argent permet par exemple de rendre photosensible le papier. Pour imprimer l'image, il faut laisser la lumière entrer par le petit trou pendant un certain temps, puis reboucher le trou.

Une fois l'image inscrite sur le papier photosensible, il faut la révéler et la fixer à l'aide de produits chimiques. On obtient alors un négatif. Pour obtenir un positif, il faut placer le négatif contre un papier photosensible et l'ensemble sous une plaque de verre et éclairer fortement. Le positif obtenu doit aussi être révélé et fixé avec des produits chimiques.

Atelier 1 : fabrication d'un sténopé

Avec des enfants, la fabrication d'un sténopé peut se faire en une heure, incluant des explications rapides sur les principes optiques et chimiques mis en œuvre.
Matériel nécessaire
- une boîte rigide (type conserve ou boîte à chaussures)
- de la peinture noire mat en bombe- du scotch noir- une punaise                                                                        - du papier photosensible

Ouvrir la boîte. Peindre l'intérieur en noir avec la bombe. Avec la punaise, percer un trou au milieu d'une face. Placer le scotch noir sur le trou, de manière à pouvoir facilement ouvrir/fermer le sténopé.

Atelier 2 : prise de vues et développement

La prise de vues et le développement des photos peuvent prendre plus d'une heure, car il est inévitable (et pédagogique !) de tâtonner avant de réussir une belle image.
Matériel nécessaire
- du papier photosensible
- un lieu bien éclairé (pour la prise de vues)
- une pièce noire (pour le développement)
- des cuves
- des pinces à linge
- 2 ampoules inactiniques pour la pièce noire (elles éclairent mais n'agissent pas sur le papier)
- un liquide révélateur (eau + produit chimique révélateur)
- un liquide d'arrêt (eau + vinaigre blanc)
- un liquide fixateur (eau + produit chimique révélateur)
Les produits chimiques, les ampoules inactiniques et les ampoules sont en vente chez les photographes spécialisés.
Dans la pièce sombre, placer le papier photosensible dans la boîte (le fixer avec du scotch).
Choisir un objet bien éclairé. Poser le sténopé devant cet objet. Retirer le scotch noir. Laisser exposer. Remettre le scotch noir. Retourner dans la pièce sombre pour le développement de la photo.
Mettre le papier photosensible dans le bain révélateur (30 secondes à 1 minute), puis le bain d'arrêt (une vingtaine de secondes), puis le bain fixateur (30 secondes à 1 minute). Rincer le papier à l'eau.
Pour obtenir simplement le positif, on peut prendre en photo le négatif, l'importer dans un ordinateur et l'inverser grâce à une application en ligne ou à un logiciel gratuit comme Gimp.
Pour obtenir une image de qualité il faut bien choisir :
- le diamètre du trou,
- la durée d'exposition,
- la distance entre le sténopé et l'objet qu'on veut photographier.
Sauf miracle, plusieurs essais seront nécessaires. Par exemple, pour une même photo, essayer avec des temps de pose de 2, 10, 30 ou 60 s
econdes (peut-être davantage si l'éclairage est faible).


La lanterne magique

Nous avons découvert lors des séances 5 et 6 comment enregistrer des images fidèles de la réalité. Mais le cinéma, c'est aussi un spectacle. Voyons comment on en est venus à projeter des images agrandies, en public.

Histoire de la lanterne magique

Les premiers spectacles de projection d'images sont sans doute les théâtres d'ombres chinoises. Puis a été inventée la lanterne magique, également appelée lanterne de projection, par un grand scientifique du XVIIe siècle, Christian Huyghens.
Elle permet de projeter à travers un objectif des images peintes sur des plaques de verre, à l'aide de la lumière d'une chandelle ou d'une lampe à huile. On parle de lanterne magique du fait que le public d'alors est fasciné par ces images. Pour la première fois – la chambre noire étant méconnue du grand public - on regarde une image qui n'existe pas, qu'on ne peut pas saisir et qui est agrandie.
Par ailleurs, la lanterne magique permet de projeter l'image qu'on veut – il suffit de la peindre, quand on veut - grâce à un matériel facilement transportable. Ce sont d'ailleurs les colporteurs qui populariseront ce premier appareil de spectacle visuel.



Différentes sortes d'images étaient projetées : lieux exotiques, personnages et actions remarquables, images effrayantes, éducatives...
Certaines plaques de verre permettent de petites animations : par exemple, en faisant glisser une plaque représentant un personnage sur une autre, immobile, présentant un décor, cela donne l'impression que le personnage circule dans le décor. La cinémathèque française a mis en ligne de nombreuses plaques de verre animées.
Certains ont aussi eu l'idée de faire bouger la lanterne magique : les images se déplacent dans la pièce, montent le long du mur et glissent au plafond avant de se jeter sur les participants. S'il s'agit d'un squelette ou d'un monstre, cris garantis !
Les lanternes magiques ont lentement disparu au cours du XIXe siècle.

Faire parler les images

 
Avant de montrer les images, il faut d'abord les annoncer. L'attente d'une image la rend plus intéressante lorsqu'elle apparaît. Ces images, les participants les connaissent peut-être. Mais lorsqu'elles apparaissent dans une pièce plongée dans le noir, elles ont un statut et une présence bien particulière.
Et l'image en soi ne suffit pas : elle n'est que le décor d'un monde imaginaire, raconté par le projectionniste-bonimenteur. Car ce que l'on montre n'est pas un château, un paysage, un bonhomme... C'est Le château célèbre et fameux, Le paysage des aventures extraordinaires, Le héros ! Ainsi on peut décrire ce qui se passe à l'intérieur de ce palais, montrer un détail insignifiant dans un coin de l'image mais auquel on donne une importance considérable, ou raconter l'enfance d'un personnage.
Voici des extraits d'un spectacle de lanterne magique. 


 

Atelier : fabrication d'une lanterne magique

La lanterne magique a résisté quelque temps à l'invention du cinéma puis a été oubliée... Avant de réapparaître sous la autre forme du projecteur de diapositives ! Des photographies impressionnées sur film transparent en plastique de 3,5 cm remplacent les peintures faites sur les plaques de verre.
On peut donc récupérer d'anciens projecteurs de diapositives et dessiner sur des feuilles transparentes avec des feutres permanents ou indélébiles. Étant donné la petite taille de l'image, prévoir de dessiner des portraits plutôt que des paysages. Mais on peut faire plusieurs dessins, ou un panorama, sur une longue bande que l'on fait défiler.
Chaque participant inventera une histoire pour accompagner son image.
L'idée de la lanterne magique c'est que toute surface devient réfléchissante : on pourra ainsi projeter sur les murs, mais aussi sur des meubles, des tee-shirts blancs ou un visage, sur lequel on superposera un visage dessiné.
On peut aussi utiliser les anciens rétroprojecteurs des salles de classe, au risque de perdre le charme des lanternes d'antan.
On peut se procurer un kit de fabrication d'une lanterne magique pour une somme raisonnable, sur le site heeza

Prolongement : les boîtes d'optiques

Inventé au XVIe siècle, la boîte d'optique propose de montrer à chaque curieux une image enfermée à l'intérieur d'une boîte. Cela peut sembler dérisoire mais à cette époque les images étaient rares et précieuses, et seuls les plus riches pouvaient se permettre d'avoir des tableaux, des gravures et des livres illustrés.
Des camelots, des porteurs d'images, allaient de village en village avec une grande boîte à l'intérieur de laquelle se trouvait une illustration de pays lointains, de villes étrangères, d'animaux fabuleux. Ces merveilles du monde, personne à l'époque, dans les villages ne pensait pouvoir les voir un jour en vrai.
Ces boîtes étaient équipées de lentilles qui permettaient de voir l'image plus grande et plus lumineuse. D'autres étaient équipées d'un clapet que l'on ouvrait ou refermait et qui permettait d'éclairer l'image soit de face soit par l'arrière. De petits trous dans l'image, éclairés par l'arrière, faisaient apparaître des étoiles ou la lumière derrière les fenêtres. Éclairés de face, les étoiles et les lumières des maisons disparaissent pour laisser place au jour. En basculant le clapet, on pouvait ainsi voir alternativement une image jour et une image nuit !
Boîtes d'optique et lanternes magiques participent du même émerveillement pour les images lumineuses impalpables. Mais dans un cas le spectacle est individuel, dans l'autre collectif. Le même distinguo réapparaîtra au moment de l'invention du cinéma, entre le kinétoscope d'Edison et le cinématographe des Lumière.


La chronophotographie



La chronophotographie d'Étienne-Jules Marey associe la photographie aux recherches en optique sur la représentation du mouvement. Elle permet ainsi d'enregistrer la réalité en mouvement. Il ne restera plus qu'à projeter ces images au moyen d'une lanterne magique modernisée et on aura inventé le cinéma.

La photographie a pris du temps avant de devenir ce qu'elle est aujourd'hui. Les procédés utilisés initialement ne permettaient pas d'obtenir une image instantanée. Par exemple, la première photographie réalisée en 1826 par Nicéphore Nièpce fut réalisée avec un temps de pose de 8 heures ! Avec Daguerre, en 1839, le temps de pose est réduit à plusieurs dizaines de minutes. Faire le portrait photo d'un personnage l'obligeait à rester longtemps immobile...
Il a fallu attendre la deuxième moitié du XIXe siècle pour que soit mis au point la photographie instantanée, c'est-à-dire une photo réalisée en moins d'une seconde, condition indispensable pour pouvoir enregistrer le mouvement. En 1878, Edward Muybridge réussit ainsi à obtenir plusieurs clichés successifs d'un cheval au galop, en multipliant le nombre d'appareils photos (il y a autant d'appareils que de clichés).

Le physiologiste Étienne-Jules Marey invente un peu plus tard la chronophotographie. Pour mieux comprendre les mouvements, il photographie d'abord sur une plaque fixe les différentes phases d'un même mouvement. Plus tard, il utilise une plaque mobile permettant d'obtenir jusqu'à 50 photos, à un rythme de 20 images par seconde, mais il ne poursuit pas ses recherches pour projeter ses clichés, n'ayant pas l'intuition du spectacle cinématographique à venir.
Ainsi, les courts films chronophotographiques que l'on peut voir en ligne, comme la chute du chat, on été reconstitués à partir des photographies fixes de Marey.


Atelier 1 : plusieurs images en une

On peut s'amuser à reproduire les belles images que Marey obtenait avec son chronophotographe à plaque fixe, en jouant sur le temps de pose d'un appareil photo.
Choisir un fond plutôt sombre. Fixer l'appareil photo devant de manière à ce qu'il ne bouge pas du tout. Si quelqu'un se déplace devant le fond sombre, en s'immobilisant quelques secondes à plusieurs endroits, l'appareil n'aura pas le temps d'enregistrer les mouvements et ne conservera que l'image de la personne immobile. On aura donc, sur l'image, plusieurs fois la même personne, à des endroits différents.


Généalogie du cinéma

Photographie + mouvement + projection = cinéma.
Au XIXe siècle, certains chercheurs tentent de donner l'illusion du mouvement en s'appuyant sur l'optique, d'autres perfectionnent la photographie pour mieux appréhender le réel. Associées à la projection en public, ces techniques rendent possible le cinéma, dont l'invention ne peut être attribuée à un seul homme.

Bien avant le XIXe siècle, la camera obscura constitue l'origine de la photographie et de la projection : dans une pièce obscure percée d'un petit trou, le reflet inversé du monde extérieur apparaît sur le mur. Ce phénomène, observé dès l'Antiquité puis théorisé au Moyen Âge, fut utilisé à la Renaissance par les peintres pour reproduire le réel.
La camera obscura rend possible le premier appareil de projection d'images en public, la lanterne magique, imaginée en 1659 par le Néerlandais Christian Huygens. Les projections à la lanterne magique furent très populaires jusqu'à la fin du XIXe siècle et se perfectionnèrent, notamment pour mettre les images en mouvement.

 

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